Experiments
His goal was to make paintings that felt, and looked, like they had painted themselves.
There is a huge variety of works in the AGA’s Harold Feist collection. Not only do they span almost three decades of his career – from the late 1960s to the early 1990s – they also span different aspects of Feist’s artistic practice. Some of them are fully resolved – they are, as best as we can say without the artist here to confirm, finished. Others appear to be sketches or tests in which Feist tried out different colours, thickened his paints or thinned them out, made them glossy or matte, and experimented with layering different variations on top of each other. Still more are sets of very similar works in which Feist repeats a motif or a set of materials. Over 300 of the AGA’s Feists – a third of the collection – are dated 1979 and look very much like this small, square spoke painting. Feist was a rigorous artist, dedicated to pushing his materials, his talent, and his skills towards an idea of great art shaped by a deep appreciation for the history of European painting and by his relationships with modernist critics like Karen Wilkin and Clement Greenberg and fellow painters including the Ukrainian-American painter Jules Olitski and the Canadian abstractionist Douglas Haynes, among many others. In these experiments we can see him thinking, working through the challenges he encountered as he strove to reach that ideal.
La collection d’œuvres de Harold Feist de l’AGA est très diversifiée. Elle couvre non seulement près de trois décennies de sa carrière, soit de la fin des années 1960 au début des années 1990, mais elle témoigne aussi de divers aspects de sa démarche artistique. Certaines de ces œuvres sont à terme. Elles sont achevées, pour autant qu’on puisse le dire sans la présence de l’artiste pour le confirmer. D’autres ne semblent être que des esquisses ou des essais par lesquels Feist expérimente en appliquant différentes couleurs; en épaississant ou diluant ses peintures; en les rendant éclatantes ou mates; en superposant diverses variations. D’autres encore sont des ensembles de compositions très similaires dans lesquelles Feist répète un motif ou reprend un ensemble de matières. Plus de 300 de ces tableaux dont dispose l’AGA, soit le tiers de la collection, sont datés de 1979 et ressemblent beaucoup à ce petit tableau carré de rayons. Feist était un artiste rigoureux, soucieux d’exploiter son matériel, son talent et ses techniques vers la concrétisation d’une idée du grand art, issue d’une profonde appréciation de l’histoire européenne de la peinture et de ses relations avec des critiques modernistes comme Karen Wilkin et Clement Greenberg, ainsi qu’avec des collègues comme le peintre étatsunien d’origine ukrainienne Jules Olitski et l’abstractionniste canadien Douglas Haynes, parmi bien d’autres. Ces expériences nous permettent de l’observer dans sa réflexion et son ardeur face aux défis rencontrés dans sa lutte vers l’atteinte de cet idéal.
Sketches
One of the most obvious ways to see this thought process is in sketches Feist made in preparation for larger works in acrylic on canvas. Feist was not an artist who wanted total control over his paintings; a lot of the textures we see, in his later work especially, need to be worked into the paint when it’s still wet. His goal was to make paintings that felt, and looked, like they had painted themselves, not perfectly planned canvases. But a few sketchbooks in his studio show that he continued to work things out in small sketches and diagrams like these even as the paintings themselves became much looser than these early works.
Esquisses
L’une des façons les plus évidentes d’observer cette démarche de réflexion est d’examiner les esquisses réalisées par Feist en préparation d’œuvres plus importantes à l’acrylique sur toile. L’artiste ne souhaitait pas nécessairement exercer un contrôle total sur ses peintures. Une bonne part des textures observées, notamment dans ses dernières œuvres, devaient se travailler alors que la peinture était encore humide. Il voulait donner l’impression que la toile s’était peinte d’elle-même, sans avoir été parfaitement planifiée. Mais quelques carnets de croquis trouvés dans son atelier révèlent qu’il a continué de travailler par petites esquisses et petits diagrammes comme ceux-ci, même si les toiles elles-mêmes n’affichent pas autant de rigueur que ces premières tentatives.
Materials
As Feist’s confidence in his approach to painting grew, the way he used his paints started to change. Though he sometimes incorporated other media into his work, he was primarily an acrylic painter. To get different effects, he manipulated the paint in ways that the manufacturers likely never foresaw.
Unlike traditional oil paints, which are made of linseed oil mixed with pigment (often minerals, but also organic materials like charcoal, beetles, and snail mucus), acrylics are made of pigment suspended in a water-based polymer. They dry much more quickly than oils, are very durable, and, because they’re water-based emulsions, can be easily mixed with other materials to produce paint that behaves in new ways.
Artists began experimenting with acrylics in the 1940s, and by the time Feist started painting with them, both painters and paint manufactures were beginning to devise ways to alter them. Glossy and matte paints debuted, as well as mediums you could mix into them to change their texture, finish, or opacity. Companies would send their new products to artists – Feist included – to experiment with, bringing the artists into the development process.
In a series of works on paper from 1974, we can see Feist testing his paints to see what they can do. He puts matte paint beside glossy, transparent paint beside opaque. In some of them you can see tiny bubbles suspended – Feist often diluted his paints with dish soap rather than plain water, a technique that let him alter the paint’s opacity while retaining some of its handling characteristics. Most of these works look like simple experiments, but in some – like the last one in this series Feist seems to be testing his composition as well as his materials, producing quick, simple works of just a few gestures or layers of paint.
Matériel
À mesure que Feist fait de plus en plus confiance à sa démarche artistique, il commence à utiliser la peinture de façon différente. Bien qu’il incorpore parfois d’autres techniques à ses œuvres, son principal moyen d’expression est la peinture acrylique. Pour obtenir divers effets, il se sert de la peinture de façon probablement non prévue par les fabricants.
Contrairement aux peintures à l’huile traditionnelles, composées d’huile de lin mélangée à des pigments (souvent des minéraux, mais aussi des matières organiques comme le charbon de bois, les coléoptères et le mucus d’escargot), les peintures acryliques se composent de pigments en suspension dans un polymère à base d’eau. Elles sèchent beaucoup plus rapidement que les peintures à l’huile, durent très longtemps et, comme il s’agit d’émulsions à base d’eau, peuvent être facilement mélangées à d’autres médiums pour produire des peintures au comportement inédit.
Les artistes ont commencé à expérimenter avec la peinture acrylique au cours des années 1940 et, à l’époque où Feist commence à peindre avec ces produits, les peintres et les fabricants de peinture commencent à concevoir des façons de les modifier. Des peintures brillantes et mates font leur apparition, ainsi que des additifs permettant d’en modifier la texture, la finition ou l’opacité. Les entreprises envoient leurs nouveaux produits à des artistes, dont Feist, pour qu’ils les expérimentent, faisant ainsi participer les artistes au développement de nouveaux produits.
Une série d’œuvres sur papier de 1974 témoigne des essais de Feist sur ses peintures. Il veut en découvrir les possibilités en appliquant une couleur mate adjacente à une couleur éclatante, ou de la peinture transparente à côté d’une peinture opaque. Dans certains cas, on aperçoit de minuscules bulles en suspension : Feist dilue souvent ses peintures avec du savon à vaisselle plutôt qu’avec de l’eau ordinaire, une technique qui lui permet d’en modifier l’opacité tout en retenant certaines de leurs caractéristiques de manipulation. La plupart de ces tableaux suggèrent qu’il ne s’agit que d’expériences, mais par d’autres, comme le dernier de cette série,
Feist semble plutôt tester la composition ainsi que son matériel, obtenant rapidement de simples résultats par seulement quelques gestes ou quelques couches de peinture.
Collages
Not all of the experimental works have such a direct connection to Feist’s mature painting. At various times, he tried to rein in his more spectacular inclinations, producing restrained work like these two sets of collages, from 1976 and 1979. In 1975 he wrote to the art historian and curator Karen Wilkin, a close friend, “A lot of the angst and expressionism is falling away for understatement & more slow-acting devices.” The three white-on-white examples would likely have been even more understated when Feist made them; the paper and some of the paints have yellowed with time. Even though Feist ultimately returned to the intensity that animates the most spectacular of his works, quieter experiments like these collages show a delicacy that underlies many of his compositions.
Collages
Les œuvres expérimentales de Feist n’ont pas toutes un lien aussi direct avec ses tableaux finis. À plusieurs reprises, il tente de freiner ses penchants les plus spectaculaires, produisant des œuvres sobres comme ces deux séries de collages qui datent de 1976 et 1979. En 1975, il écrivait ceci à l’historienne de l’art et conservatrice Karen Wilkin, une amie proche : « Une grande part d’angoisse et d’expressionnisme est en train de s’estomper au profit de quelque chose de plus édulcoré et d’une sorte de ralentissement ». Les trois exemples en blanc sur blanc étaient probablement encore plus sobres au moment de leur réalisation, le papier et certaines peintures ayant jauni avec le temps. Même si Feist est finalement revenu à l’intensité qui caractérise ses œuvres les plus spectaculaires, des expériences plus réservées comme ces collages témoignent de la délicatesse qui teintent un bon nombre de ses compositions.
Three Hundred Variations
Of all of Feist’s experiments in the AGA collection, the 1979 works are the most numerous and wide-ranging. Almost square, many of them of similar, modest, dimensions they repeat the same theme: central spokes, coloured ground. But within those constraints, the variety of formal approaches is amazing. Sometimes Feist dials down the contrast between the spokes and the ground, and sometimes he dials it up. He has versions in pale pinks and translucent violets as well as vibrant reds, deep blacks, clear blues. In some of them the spokes are clear, like an asterisk or a kid’s version of a star; sometimes they turn into blobs or wedges or are cut in half, so they erupt from the bottom of the image. The spokes are part of the ground or objects above it; sometimes they don’t look like spokes at all. “Paintings came one after the other like it was a matter of letting them loose,” Feist told Wilkin, describing how it felt when he began making his spoke paintings. “My job was to get them right.”
Trois cent variations
De toutes les expériences de Feist tirées de la collection de l’AGA, les tableaux de 1979 sont les plus nombreux et les plus diversifiés. Presque carrés, souvent presque de même dimension et modestes, ils reprennent le même thème : rayons centraux, fond coloré. Mais la variété des approches formelles étonne malgré ces contraintes. Il arrive à l’artiste d’atténuer graduellement le contraste entre les rayons et le fond. D’autres fois, il l’accentue. Il propose des versions en rose pâle et en violet translucide, ou opte parfois pour des rouges vibrants, des noirs profonds et des bleus clairs. Dans certains cas, les rayons sont clairs, évoquant un astérisque ou une version enfantine de l’étoile. D’autres fois, ils prennent la forme d’une tache ou d’un coin, ou sont coupés en deux, jaillissant du bas de l’image. Les rayons font partie du fond ou des objets qui s’en détachent. D’autres fois, ils ne ressemblent aucunement à des rayons. « Les tableaux sont venus l’un après l’autre, comme s’il fallait les libérer », écrit Feist à Wilkin, pour décrire comment il s’est senti quand il a commencé à les produire. « Mon travail consistait à les faire comme il faut. »
Throughout his career, Feist alternated between periods of extraordinary productivity and periods of depression that left him struggling to paint. In 1984, early in his friendship with Olitski, he asked the older painter, whose work Feist had long admired, if he, too, struggled sometimes, if he had doubts about his art or his abilities as an artist. “Of course I do,” Olitski replied. “The thing is not to get paralyzed.” The depth and breadth of Feist’s experiments featured here, to say nothing of the more than 2,600 substantial paintings accounted for in his records (a number that doesn’t include the AGA’s collection) show that this is something he knew already – though no doubt it was reassuring to be reminded of it by a friend.
Tout au long de sa carrière, Feist a connu des périodes de grande productivité alternant avec des périodes de dépression qui l’empêchaient de peindre. En 1984, au moment où il crée des liens d’amitié avec Olitski, il demande à ce peintre plus âgé, dont il admire depuis longtemps le travail, s’il lui arrive aussi d’avoir des problèmes, des doutes sur son art ou sur ses aptitudes en tant qu’artiste. « Bien sûr que oui », répondra Olitski : « Il faut juste ne pas se laisser paralyser. » La profondeur et l’ampleur des expériences de Feist présentées ici, sans parler des plus de 2 600 œuvres substantielles répertoriées dans ses archives (un nombre qui ne comprend pas la collection de l’AGA), révèlent qu’il le savait déjà, mais ce devait sans doute être rassurant de se le faire rappeler par un ami.